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Pourquoi Auschwitz n'a jamais fermé

Photo du rédacteur: Animal1stAnimal1st

Janvier 2025, le monde entier observe son indispensable devoir de mémoire à l’occasion des 80 ans de la libération d’Auschwitz. Huit décennies, rythmées par ce refrain : « Plus jamais ça ». Pourtant, aujourd’hui, peut-on vraiment dire que le monde soit libéré de toute idéologie suprémaciste, qui enferme, torture et assassine à la chaîne des individus, pour le seul motif d’être ce qu’ils sont ?


Tag sur un élevage breton
Tag sur un élevage breton

HIMMLER, D'ÉLEVEUR À BOUCHER


Aujourd’hui encore, on continue d’entendre cette petite musique fallacieuse selon laquelle Hitler aurait été végétarien, comme pour absurdement établir un lien entre défense de la cause animale et nazisme. Ce qui est véridique en revanche mais que l’on entend trop peu, c’est qu’Himmler, maître d’œuvre de la Shoah, était bien éleveur.


Dans le civil, il se forma à l’élevage et l’agronomie. C’est là que naîtra son intérêt pour l’eugénisme, la reproduction et l’abattage, qu’il expérimentera sur des poulets, avant de poursuivre des projets similaires sur des humain·es une fois architecte en chef de la "solution finale".« Après la guerre, un des officiers SS témoigna que le passé agricole de Himmler était bien à la base de son obsession pour la procréation raciale. L’exploitation animale – reproduction, sélection et abattage – a posé les jalons à chaque étape sur la voie menant au génocide. », raconte Charles Patterson, historien de la Shoah, dans son livre « Un éternel Treblinka ».Il ajoute que beaucoup du personnel du « programme Aktion T4 » (programme d’euthanasie des handicapé·es) et de ceux qui ont été envoyés en Pologne pour faire fonctionner les camps venaient du monde de l’Élevage. À Treblinka ou dans les autres camps de la mort, comme dans les abattoirs, celles et ceux qui arrivent faibles, malades ou blessé·es freinent le fonctionnement de la chaîne. Alors on les laisse de côté, agoniser jusqu’à la mort.


Dessin de l'artiste Jo Frederiks
Dessin de l'artiste Jo Frederiks

L’EUGÉNISME COMME SOCLE COMMUN


L’eugénisme racial n’est pas une invention nazie, mais ils sont les premiers à l’ériger ainsi en véritable projet de société, et à l’inscrire dans la loi et dans une dimension criminelle, concrétisée par de nombreux sombres projets directement imbriqués dans le système de déportation.


« Entre 1935 et 1945, pour créer une race aryenne “pure”, les Nazis ont conçu des usines à enfants. On appelle cette terrible organisation le Lebensborn, la « fontaine de vie ». C’est un ensemble de foyers, de maternités et de crèches qui ont été créées dans le cadre d’une sélection raciale. Ce programme a vu le jour sous l’égide d'Heinrich Himmler.Les femmes dites « de race aryenne » des pays occupés étaient amenées à procréer avec des aryens « pure souche », notamment des SS. »(1)


1945 : le IIIème Reich tombe.1946 : au sortir de la seconde guerre mondiale, l’Europe alors libérée de l’occupation SS, la France crée l’INRA pour nourrir un pays en situation de pénurie alimentaire. Cet institut d’État crée alors les centres d'insémination et de sélection d’animaux d’élevage, ainsi que les races issues de ces sélections, qui fournissent aujourd’hui l'Élevage mondial. Permettant ainsi de perpétuer l'horreur en remplissant des camps à l'infini, en faisant naître les victimes par milliards et sans interruption.


Raymond Février, Directeur Général de l'INRA (1970)

BANALITÉ DU MAL


Un des enseignements majeurs à retenir du fonctionnement du système nazi, et énième parallèle avec l’Élevage, c’est la division du travail. Comme l’ont déjà théorisé Hannah Arendt, Zygmunt Bauman, ou Tadeusz Borowski (survivant d’Auschwitz), le découpage des tâches est un somnifère moral, qui permet d’oublier le sens de ses actes, la finalité de l’action, c’est-à-dire la destruction de personnes. Compartimenter la responsabilité technique, pour mieux atténuer la responsabilité morale.Éleveurs, transporteurs, employé·es d’abattoirs, tout en pensant ne faire que leur travail, ils sont en réalité un rouage, une étape indispensable à la réalisation d’un holocauste.Segmenter en tâches simples et répétitives un meurtre de masse de façon à banaliser le geste des assassins et complices, leçon universelle de la Shoah que nous n’avons de toute évidence pas su retenir.Si l’empire nazi avait perduré, ils n’auraient certainement pas mieux fait que l’Élevage moderne présenté aujourd’hui dans les salons professionnels de Rennes ou Cournon-d’Auvergne(2) par exemple.



SUPRÉMACISME SPÉCISTE


Collage en Mayenne
Collage en Mayenne

Le spécisme, discrimination basée sur l’espèce, est de fait un suprémacisme, une idéologie totalitaire, arbitraire et criminelle, basée sur les mêmes principes, fondements et modes de fonctionnement que l’idéologie raciste nazie. Il était déjà installé dans nos sociétés des siècles avant la réalisation du projet d’Hitler. C’est donc bien ce second Mal qui prend racine dans le premier.Henri Ford avouera par ailleurs dans ses mémoires que ce sont les chaînes d’abattage des premiers abattoirs modernes de Chicago qui lui ont inspiré le modèle fordiste de ses usines, avant de devenir le principal mécène du IIIème Reich, qui a appliqué ce même modèle dans ses camps.


Dans l’idéologie suprémaciste comme dans l’exécution concrète, froide et préméditée de la barbarie qu’elle implique, nazisme et spécisme se rejoignent en tout point :

  • Priver les victimes de leur dignité. Humiliées, fondues dans une masse, marquées d’un numéro… quand elles ont perdu toute individualité, alors tout devient permis pour l’oppresseur.

  • On peut observer le même schéma de clivage mental chez les témoins : pendant l’ère nazie, beaucoup d’Allemand·es parlaient d’un ou d’une juive « bien-aimé·e », qu’il ne fallait pas confondre avec les autres juifs. Tout comme nous avons des animaux dits de compagnie, des lapins qu’on caresse, et des lapins qu’on mange. Cette schizophrénie éthique est ouvertement entretenue par les gouvernements, les professionnels et les lobbies de l’Élevage, ainsi que par les médias.

  • Les conditions de transport. Briser les liens sociaux ou familiaux, tétaniser les victimes, leur faire perdre tout repère. Non seulement les juif·ves étaient transporté·es dans les camps en wagons à bestiaux, mais en certains lieux, leur voyage vers la mort commençait précisément à l’endroit où le « bétail » était chargé dans des camions ou des trains pour l’abattage.

  • Les pratiques eugénistes, comme vu plus haut. Ce désir d’améliorer les qualités héréditaires de la population humaine, ce projet de donner vie à une « meilleure race », tout comme c’est appliqué pour les animaux dits d’élevage depuis le XVIIIème siècle, mais cette fois dans le but de sélectionner génétiquement des animaux selon des critères de docilité et de rentabilité, dans un unique intérêt humain.


Par conséquent, relativiser les souffrances, et refuser à ces animaux le statut de victime d’une extermination méthodique et programmée, basée sur une idéologie de domination, ne peut relever que d’une forme de négationnisme. Et défendre leur oppression, en la finançant et en consommant leur corps, relève d’une collaboration à un fascisme spéciste.


« Pour ces créatures, tous les humains sont des nazis ; pour les animaux, c'est un éternel Treblinka. » - Isaac Bashevis Singer, écrivain juif-polonais et Prix Nobel de Littérature 1978



RÉSISTANCE OU COLLABORATION


Force est de constater que non seulement tout cela est encore bien en place aujourd’hui, partout dans le monde et à des cadences battues tous les ans, mais qu’en plus, notre traitement des animaux a servi de modèle et d’inspiration, à toutes les étapes, à l'application de la Shoah et du projet nazi global.Que plus personne n’oublie cela lorsqu’ils voudront s’attaquent à ces discours factuels, documentés, car simplement gênés dans leur propre spécisme aveuglant qu’on puisse défendre victimes animales et victimes de la Shoah avec la même énergie.


Rien d’étonnant donc à ce qu’aujourd’hui, une résistance, minoritaire mais déterminée, s’échine à combattre les crimes spécistes, car précisément, elle ne fait pas de hiérarchie parmi les victimes d’un tel niveau de violence légalisée et industrialisée.


Nous nous devons de dénoncer l’horreur qu’est l’Élevage, peu importe les conditions d’asservissement, tout comme nous aurions dénoncé l’horreur des camps de concentration et d’extermination il y a 80 ans.Cette hiérarchisation est arbitraire et abjecte, tout comme le fait que nous devions aujourd’hui encore nous battre pour réveiller ce monde, et ne pas perpétrer les mêmes injustices, ce cycle infini de souffrance, et ce dans l’indifférence la plus totale.


Auschwitz n’a jamais fermé. L’Élevage est un éternel Treblinka, un perpétuel Birkenau, où seule l’espèce des victimes est différente.


« Un jour, nos petits-enfants nous demanderont : où étiez-vous pendant l’holocauste des animaux ? Qu’avez-vous fait contre ces horribles crimes ? Nous ne pourrons pas donner la même excuse une seconde fois : que nous ne savions pas. » – Dr. Helmut Kaplan


"Un éternel Treblinka", Charles Patterson (2002)
"Un éternel Treblinka", Charles Patterson (2002)

NB : Si cet article ne suffit pas à vous convaincre de la proximité de ces deux idéologies et de leur fonctionnement, vous pouvez toujours consulter les travaux des survivant·es du nazisme ou de leur famille, qui ont les premiers reconnu dans le traitement fait aux animaux, la peur, la détresse et l’injustice qu’ils ont eux-mêmes vécu :

Isaac B. Singer, Alex Hershaft (survivant du ghetto de Varsovie et cofondateur du Farm Animal Rights Movement), Lucie Rosen Kaplan, Georges Metanomski, Edgar Kupfer-Koberwitz (journaliste allemand, prisonnier végétarien de Dachau), Henry Spira, Susan Kalev, Anne Muller, Anna Kelemen, Mark Berkowitz, etc.



2) Le SPACE et le Sommet de l’Élevage, salons annuels et internationaux de l’Élevage en France

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